Stéphane Chloé Valérie Vincent Morgane

Deuxième journée. Ciel pas trop moche.

Je décide d'aller à la plage en métro. Direction Coney Island.
C'est chouette de pouvoir aller d'une grande ville comma ça à la plage en métro. Photos prises de la rame à travers les vitres du métro.

A l'arrivée, ça fleure bon le WE en famille, la petite escapade populaire. Nathan's Hot dog. The one and only. Avec concours du plus gros mangeur et tout et tout. 

Les attractions sont fermées. On est en Octobre. Il reste des scories de fêtes, les manèges sont là. Il manque les cris des enfants et les bruits de la foule. Ça fait un peu ville fantôme. 

Les mouettes sont garées à la place des voitures.

Je suis fasciné par les courbes et les couleurs du rail orange qui se découpe sur le ciel bleu. Je prends plusieurs photos, je ne sais pas si il y en a une de bonne. Mais je n'arrive pas à choisir celle que je préfère.

Il y a un peu de monde qui se balade sur la jetée. Mais ce n'est pas la foule d'un WE d'été.

 

Je vais partager un Nathan's avec les mouettes. Le HotDog est banal, les frites, elles, sont délicieuses. 

Je profite du beau temps pour aller marcher sur le sable.

J’ai grandi dans la mer et la pauvreté m’a été fastueuse,
puis j’ai perdu la mer,
tous les luxes alors m’ont paru gris, la misère intolérable.
Depuis, j’attends.

J’attends les navires du retour, la maison des eaux, le jour limpide.
Je patiente, je suis poli de toutes mes forces.
On me voit passer dans de belles rues savantes, j’admire les paysages, j’applaudis comme tout le monde, je donne la main, ce n’est pas moi qui parle.

On me loue, je rêve un peu, on m’offense, je m’étonne à peine.
Puis j’oublie et souris à qui m’outrage, ou je salue trop courtoisement celui que j’aime. Que faire si je n’ai de mémoire que pour une seule image ?
On me somme enfin de dire qui je suis.

« Rien encore, rien encore... »

C’est aux enterrements que je me surpasse. J’excelle vraiment.
Je marche d’un pas lent dans des banlieues fleuries de ferrailles, j’emprunte de larges allées, plantées d’arbres de ciment, et qui conduisent à des trous de terre froide. Là, sous le pansement à peine rougi du ciel, je regarde de hardis compagnons inhumer mes amis par trois mètres de fond. La fleur qu’une main glaiseuse me tend alors, si je la jette, elle ne manque jamais la fosse. J’ai la piété précise, l’émotion exacte, la nuque convenablement inclinée. On admire que mes paroles soient justes. Mais je n’ai pas de mérite : j’attends.
J’attends longtemps. Parfois, je trébuche, je perds la main, la réussite me fuit. Qu’importe, je suis seul alors. Je me réveille ainsi, dans la nuit, et, à demi endormi, je crois entendre un bruit de vagues, la respiration des eaux. Réveillé tout à fait, je reconnais le vent dans les feuillages et la rumeur malheureuse de la ville déserte. Ensuite, je n’ai pas trop de tout mon art pour cacher ma détresse ou l’habiller à la mode.
D’autres fois, au contraire, je suis aidé. À New York, certains jours, perdu au fond de ces puits de pierre et d’acier où errent des millions d’hommes, je courais de l’un à l’autre, sans en voir la fin, épuisé, jusqu’à ce que je ne fusse plus soutenu que par la masse humaine qui cherchait son issue. J’étouffais alors, ma panique allait crier. Mais, chaque fois, un appel lointain de remorqueur venait me rappeler que cette ville, citerne sèche, était une île, et qu’à la pointe de la Battery l’eau de mon baptême m’attendait, noire et pourrie, couverte de lièges creux.
Ainsi, moi qui ne possède rien, qui ai donné ma fortune, qui campe auprès de toutes mes maisons, je suis pourtant comblé quand je le veux, j’appareille à toute heure, le désespoir m’ignore. Point de patrie pour le désespéré et moi, je sais que la mer me précède et me suit, j’ai une folie toute prête. Ceux qui s’aiment et qui sont séparés peuvent vivre dans la douleur, mais ce n’est pas le désespoir : ils savent que l’amour existe. Voilà pourquoi je souffre, les yeux secs, de l’exil. J’attends encore. Un jour vient, enfin...


Albert Camus, L’Été, « La mer au plus près (Journal de bord) », Gallimard (folio n°4388, pages 115-117).

A dire vrai, de cette prose de Camus, je n'ai en tête que son début :

J’ai grandi dans la mer et la pauvreté m’a été fastueuse,
puis j’ai perdu la mer,
tous les luxes alors m’ont paru gris, la misère intolérable.
Depuis, j’attends.

Quel rythme. Quel choc.

Elle faisait partie des phrases et poèmes mis en valeur par la RATP. Des affiches collées dans les couloirs du métro, croisées au hasard d'un couloir ou d'un escalator. Printemps de la poésie ou similaire. La chance, je passe devant. J'avais été éblouie par son rythme. Doté d'une mémoire de femme de poisson clown, j'avais pris l'affiche en photo; il y a plus d'un an.
Je n'avais de cesse que de retourner dans mes flux de photos pour la retrouver et la relire. J'ai fini par la mémoriser. En tout cas son rythme et son sens.  Je voulais placer cette phrase à côté de la photo de plage prise dans le kiosque Je trouvais que le cadrage transformait l'atmosphère en panorama. Comme une fenêtre ou une peinture. Le banc vide faisant résonance à l'attente. J'ai cherché sur internet la phrase exacte pour ne pas abîmer les mots.  Je suis tombé sur un extrait du texte un peu plus long. C'est ainsi que j'ai découvert que Camus était à New York en écrivant ces mots.

J'espère qu'Albert Camus a pris, comme moi, le métro et c'est extirpé de l'eau noire de Battery pour aller s'inonder de lumière et de vent sur Coney Island. Respirer la mer.

Attendre avec les mouettes. Entendre la mer.

D'un côté on s'évade et on rêve,

de l'autre on reste proche de la civilisation, très proche. :

Je fais un somme sur le sable. Il y a un peu de vent, je garde ma veste malgré le beau soleil. J'ai d'ailleurs encore un peu de ce sable au fond des poches et maintenant également collé sur mes clés de maison. 

Au bout d'un certain temps, cette mouette Hitchcockienne et insistante me pousse à me lever et à reprendre mon chemin. Je devais pas lui plaire ou j'étais sur son spot. On est à NY, je suis sur son territoire. 

 

Le quartier est assez populaire, beaucoup d'immigrés d'origines russes. 

Je prends le bus pour remonter vers Manhattan, cela me permettra de voir Brooklyn que j'ai jamais visité. Direction Prospect Park. Le plus grand park de Brooklyn. Pour dire vrai, le métro est arrêté, du coup je prends le bus. 

Sur le chemin, je croise les éternel Staples, les deux meilleurs restaurants gastronomiques du coin Taco Bell et KFC.

Le laveur de voiture local est très manuel. Tout est fait au chiffon à la main. Ça brille.

Le park est assez grand, à cette saison les feuilles sont rouges, tout est très coloré.

On croise tout un tas de gens dans ces parcs, certains sont disons,...bizarre. Une fille met en scène son dragon en peluche. Je pense qu'avec un peu d'effet spéciaux on doit pouvoir transformer dragounet en Mozilla.

Le parc est assez conséquent en taille. 237 ha, contre 341 ha pour central park, pas si mal. Je le remonte complètement. Il y a un lac, des allées pour se promener en famille, des petites contre allées qui vont dans les bois, une petite cascade. Tout mignon tout plein. Et bien sur il y a la grande pelouse pour jouer au football américain avec ses copains ou s'échanger des balles de baseball avec son fiston.

Au bout du park j'arrive à la Grand Army Plaza. Avec un Arc de triomphe et une belle librairie. Il y avait également un marché bio. J'ai acheté de quoi manger pour le soir, des espèces de pizza bio avec du chèvre et des épinards ainsi que des pommes locales. Je suis dans un hotel avec cuisine équipée. Ça permet de manger dans la chambre pour un peu moins cher que le restau et puis cela évite de ressortir pour aller manger seul au restaurant.

La porte de la Librairie envoie du lourd en symbolique. On doit pouvoir passer une thèse sur les personnages et les symboles placés sur les portes et colonnes.

Comme je suis en pleine bourre après une journée de marche, je décide de continuer à pied. Allez, encore quelques kilomètres.

Je remonte jusqu'a Atlantic Avenue. Jusqu'au nouveau stade des Brooklyn Nets. Equipe de Basket Ball de Brooklyn. 

Bon, j'ai mon casse croute bio, j'ai crapahuté toute la journée.... hummm, je vais me coucher.  

La suite demain.